dimanche 24 mars 2013

Comment Pauline Marois modifie une constitution... et une charte

Les « ténors » du gouvernement Marois s’insurgent contre le projet du nouveau chef libéral Philippe Couillard d'adhérer à la Constitution sans consulter directement la population.

Il est bon de vouloir consulter par référendum (pas par « des sommets » pipés) la population pour des décisions d'importance.

Il serait bon de rafraîchir les mémoires : Pauline Marois ne s’est jamais gênée pour faire des changements constitutionnels sans consulter la population.

  1. En 1997, Pauline Marois, alors Ministre de l’Éducation, a obtenu une modification de l’article 93 de la Constitution canadienne (en vue d’abolir les commissions scolaires confessionnelles), sans consultation directe de la population;
     
  2. En 2005, lors de l’étude du Projet de loi 95 en commission parlementaire, Pauline Marois pose des questions au témoin Pierre Bosset pour connaître les conditions pour modifier la Charte québécoise. Le témoin Bosset lui répond : « Je confirme que, pour modifier la charte, une majorité simple est requise, mais que, pour nommer les membres de la commission, les deux tiers sont requis.  »


    Documents

    Le décrochage scolaire pour Pauline Marois en 1996

    Projet de loi 95

    Le Projet de loi 95, opérant cette modification à la Charte, a été adopté sans vote par appel nominal1 de l’Assemblée nationale, de sorte qu’on ignore combien de députés ont voté cette modification à la Charte.

    Lors de l’étude du Projet de loi 95 en commission parlementaire, au printemps 2005 la question du nombre de votes nécessaire pour modifier la Charte avait été abordée lors d’un échange entre M. Pierre Bosset et la députée de Taillon, Pauline Marois :
    Mme Marois — (…) Les modifications apportées à la charte doivent se faire avec l'appui de deux tiers des... Non? Ce n'est pas ça? C'est parce que j'essayais de me souvenir, là. Je le sais pour la nomination des personnes mais pas nécessairement pour les changements à la charte. D'accord. Je dis «pas nécessairement» parce que j'écoute le non-verbal... je constate le non-verbal. Pas écouter mais voir le non-verbal. 
    Le Président (M. Chagnon)  — Vous faites bien de le dire. Vous faites bien de le dire, Mme la députée de Taillon, parce que ce serait dur, pour les gens qui vont vous lire dans sept ou huit ans, dans 25 ans, de comprendre. 
    Mme Marois  — C'est ça, de comprendre. Mais j'aimerais vous entendre maintenant sur cela. Alors,on comprendra mes propos sans avoir à les interpréter.
    Le Président (M. Chagnon)  — M. Bosset.
    M. Bosset (Pierre)  — Je confirme que, pour modifier la charte, une majorité simple est requise, mais que, pour nommer les membres de la commission, les deux tiers sont requis. 2

    Pourtant, des assurances, émanant des deux paliers de gouvernement, avaient été données dans le passé aux parents quant au caractère fondamental de cette liberté, notamment lors de l’amendement à la
    Constitution canadienne de 1997.

    Pauline Marois, alors Ministre de l'Éducation, déclarait le 26 mars 1997 à l'Assemblée nationale :
    « L'école publique se doit donc de respecter le libre choix ou le libre refus de la religion, cela fait partie des libertés démocratiques. » 
    « Le libre choix entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux catholique et protestant continuera d'être offert, en conformité avec la Charte québécoise des droits et libertés. » 
    «  Cette école devra être capable d'offrir le libre choix aux parents qui la fréquenteront... c'est-à-dire aux parents des enfants qui la fréquenteront, soit la possibilité d'une formation religieuse catholique, protestante ou une formation morale. » 
    « Je répète, M. le Président, que l'école publique doit respecter le libre choix comme le libre refus de la religion qu'expriment les parents. »3

    Stéphane Dion, alors Ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, déclarait le 22 avril 1997 à la Chambre des Communes :
    Si les Québécois approuvent une déconfessionnalisation des structures, un grand nombre tient à l'instruction religieuse. La ministre de l'Éducation du Québec, madame Pauline Marois, a déjà indiqué que les écoles qui le désirent pourront conserver leur orientation confessionnelle. De surcroît, le droit à l'enseignement religieux demeure garanti par l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
    Le 1er octobre 1997, il renchérissait en déclarant, toujours à la Chambre des communes :
    Qui plus est, le droit à l'enseignement religieux demeure garanti par l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, un document ayant une valeur quasi constitutionnelle selon la Cour suprême du Canada.
    L’ancien ministre Jacques Brassard commente ainsi les événements de 1997 et le changement à l’article 41 de la Charte québécoise :
    Lorsque j'étais, dans une vie antérieure, ministre des Affaires intergouvernementales, j'ai contribué, avec Pauline Marois et Stéphane Dion, à faire adopter par les deux Parlements un amendement constitutionnel qui avait pour effet de déconfessionnaliser les commissions scolaires. Le but recherché était d'en faire des structures linguistiques.

    Lors des débats parlementaires, cependant, tout le monde insistait pour dire que la création de commissions scolaires linguistiques n'abolissait pas le droit à l'enseignement religieux garanti par la Charte des droits et libertés. Jusque-là, pas de problème!

    Quand le ministère de l'Éducation a concocté et imposé à tous les jeunes du primaire et du secondaire un cours d'éthique et de culture religieuse, quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que l'Assemblée nationale avait modifié à l'unanimité et à toute vapeur, en juin 2005 sans vote nominal la Charte des droits. Résultat: abolition, à toutes fins utiles, de la liberté de choix des parents en matière d'enseignement religieux et moral. (…)

    On dit que la Charte des droits et libertés a plus de valeur et d'importance qu'une loi ordinaire. Et que, par conséquent, il ne faut lui toucher qu'avec grande précaution et après un large débat permettant une décision éclairée. Ce ne fut évidemment pas le cas sur cette question délicate. 
    (…)

    Tout cela s'est fait pratiquement en cachette et à toute vapeur. Une telle désinvolture en matière de droits et libertés est pour le moins offensante et méprisante à l'égard des parents du Québec.

    Notes

    [1] Procès-verbal de l'Assemblée nationale du 15 juin 2005 (n° 169) : page 1723 pour l’adoption du projet de loi 95, Annexe pour les votes par appel nominal aux pages 1725-1726 : le projet de loi 95 n’y figure pas.
    http://m.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/37-1/journal-debats/20050615/2799.html#_Toc106700301


    [2] Travaux parlementaires — Commission permanente de l'éducation, 2 juin 2005, http://www.assnat.qc.ca/FRA/37legislature1/Debats/journal/ce/050602.htm

    [3] Journal des débats, 26 mars 1997, Déclaration ministérielle de la Ministre de l’Éducation à l’Assemblée nationale,
    http://www.assnat.qc.ca/Archives-35leg2se/fra/Publications/debats/JOURNAL/CH/970326.htm

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